Jirô Taniguchi

1 ouvrage paru chez Magnard

Jirô Taniguchi est un auteur à part, tant au Japon qu’en France. Né en 1947 à Tottori, il débute la bande dessinée dans les années soixante. Comme de nombreux auteurs japonais, il fait ses premières armes comme assistant d’un mangaka, Kyûta Ishikawa. À partir des années 1970, en duo ou en solo, il entame une carrière remarquable qui sera ponctuée d’œuvres phares telles L’homme qui marche (1992), Le Journal de mon père (1994), Quartier lointain (1998)…
Depuis 1995, plusieurs éditeurs français (Casterman, Le Seuil, Panini, Kana) ont ouvert leur catalogue à cet auteur, proposant ainsi plus d’une vingtaine de titres qui ont rapidement séduit un public adulte plutôt réticent au manga. La thématique d’une partie de ses récits, centrés sur le quotidien et la représentation de l’intime ainsi que son style réaliste, plus proche d’une certaine bande dessinée franco-belge que du manga, peuvent expliquer cette ferveur.
L’adaptation par Casterman dans le sens de lecture occidental a sûrement aussi accru l’accessibilité de cette œuvre. Paradoxalement, ce qui paraît avoir séduit chez cet auteur, c’est la proximité de sa bande dessinée avec la nôtre. En France, certains ont voulu ériger Taniguchi en ambassadeur du manga. Son œuvre permet en effet de renverser bien des préjugés et de faire apprécier un genre il y a encore peu décrié. Cependant, si l’œuvre de cet auteur peut s’avérer une excellente introduction à la culture nippone et – pourquoi pas – au manga, elle n’en demeure pas moins fort peu représentative de la production courante japonaise, ne s’inscrivant pas même dans un mouvement particulier.
Un style graphique dépouillé, un découpage sobre et sans recherche d’effets, une multiplicité de thématiques explorées, voilà qui fait de Taniguchi un mangaka atypique. Son œuvre, loin de se limiter à la veine des récits intimistes appréciés en France, revisite bien des registres comme le polar, la science-fiction, l’épopée historique, l’aventure sportive ou la chronique animalière. Dans ses œuvres les plus personnelles comme dans ses travaux de commandes, Taniguchi expérimente tous les formats, manifestant autant d’habileté dans l’art de la nouvelle que dans la composition de cycles ambitieux.
Il réalise ainsi avec Natsuo Sekikawa Au temps de Botchan, une œuvre impressionnante par son ampleur (1500 pages), ses qualités narratives et son sujet – l’histoire du monde littéraire japonais au début du XXe siècle – au travers de la vie de l’un des plus célèbres poètes et écrivains nippons, Natsume Sôseki.
Dans ses mangas dits « d’auteur » comme dans ses bandes dessinées épiques et « populaires », Taniguchi se plaît à circonscrire, à inspecter et à raconter longuement, à hauteur d’homme, le moment bref, presque figé où tout bascule, où le doute s’installe, où les certitudes s’écroulent. Les parfaits anti-héros de Taniguchi sont des gens « ordinaires » qui vivent l’histoire de leur vie avec ses suspens, ses rebondissements, ses ruptures et son rythme, ses détails triviaux, mille fois vus et puis, un jour, enfin regardés.

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